Réunion du CHU d'Amiens

Réunion d'information sur la maladie de Huntington

Jeudi 23 janvier 2014, Amiens, CHU Nord

Cette réunion, à l’intention  des aidants et des professionnels de santé (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes, aides-soignants, auxiliaires de vie, assistants médico-psychologiques, assistants sociaux…), est organisée conjointement par l'association Huntington-France (Responsable de l'antenne de Picardie : Mme Pierson), l'association Huntington Espoir Hauts de France (Responsable : Mme Nougarède) et le centre de compétences Huntington pour la Picardie (Responsable : Pr P. Krystkowiak)


Rédaction : Françoise Germain (notes de l'auteur précédées de *)


Modérateur : Professeur P. Krystkowiak

Programme (vous pouvez atteindre les articles en cliquant sur leurs titres) :

 

Les aspects cliniques de la maladie de Huntington, prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse

Intervention du Docteur Mélissa Tir


Le rôle du psychologue, illustration sur des cas cliniques

Intervention de Madame Audrey Seling (psychologue, service de neurologie, centre de compétences Huntington pour la Picardie)


Génétique de la maladie de Huntington : mode de transmission, procédure, diagnostic présymptomatique, prénatal, préimplantatoire

Intervention de Madame Florence Amnam (conseillère en génétique, centre de compétences Huntington pour la Picardie)


Rôle du réseau européen pour la maladie de Huntington

Intervention de Monsieur Laurent Paterski (Réseau EHDN)

 

Aspects cliniques et prise en charge de la maladie de Huntington

Intervention du Docteur Mélissa Tir

 

La maladie de Huntington est une maladie dégénérative neuropsychiatrique ; sa prévalence (proportion de malades à un moment donné dans la population totale) est de 1/10 000 en Europe (certainement davantage du fait du vieillissement de la population).

 

Les premiers signes peuvent être de légers changements dans le comportement et des gestes incontrôlés, puis l’état clinique du malade suit un déclin lentement progressif.

 

Trois principaux aspects cliniques peuvent être dégagés : les manifestations motrices , comportementales (dépression, suicide, anxiété, troubles psychotiques, agressivité, irritabilité, apathie, TOC, troubles des conduites alimentaires, sexuelles, comportements addictifs, syndrome confusionnel) et cognitives (évoluant progressivement vers la démence).

Principes généraux de la prise en charge

La maladie de Huntington est une maladie familiale par essence. L’évolution des malades est difficile à assumer par les proches qui connaissent des deuils répétés.


C’est une maladie chronique qui a une longue durée d’évolution et sa spécificité requiert une vision globale de la prise en charge, qui se doit d’être multidisciplinaire, faisant appel à de nombreux acteurs de santé tels que les médecins (médecins généralistes, neurologues, psychiatres, rééducateurs, nutritionnistes), les paramédicaux (infirmières, aides soignants, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes, assistantes sociales) les réseaux associatifs, les aidants.

 

Les patients ont besoin de temps, ce qui demande de la patience, ont besoin d’être protégés contre la violence (la leur et celle des autres) et leur environnement nécessite des adaptations régulières.


Il faut les aider à structurer l’organisation du quotidien et mettre en place une prise en charge sociale. Ils seront aidés par des activités thérapeutiques psychocorporelles, techniques neuropsychologiques, des soins esthétiques…

 

Des besoins spécifiques existent et concernent l’aspect matériel d’une part (locaux sécurisés,mobilier adapté), mais aussi d'autre part l’aspect humain (effectif soignant suffisant, formation de l’équipe soignante aux particularités neurologiques, psychiatriques et aussi aux soins palliatifs de la maladie, recrutement du personnel soignant sur la base du volontariat).

Les principaux troubles

Les troubles de la marche, à l’origine de chutes à répétition, nécessitent une prise en charge rééducative et la mise en place de mesures adaptées. 


Les troubles de la déglutition sont souvent source d’angoisse importante pour la famille, qui peut se sentir démunie lorsqu’ils surviennent. Ils nécessitent une prise en charge orthophonique et une connaissance des techniques adaptées pour faire face aux fausses routes (nettoyage de la bouche, retrait du surplus alimentaire, positionnement pendant le repas, méthode de Heimlich).


La pose d’une sonde gastrique doit être étudiée au cas par cas. Si elle facilite les apports nutritionnels, elle n’est pas anodine et peut être arrachée en raison de troubles du comportement et/ou de mouvements choréiques importants.


Le patient tend à perdre du poids, il faut donc surveiller les apports alimentaires et faire un bilan nutritionnel et hydrique.


La communication devient de plus en plus difficile, d’où l’importance de l’apport de la rééducation orthophonique. Et naturellement, il faut prendre son temps, ne pas crier : la

transmission de l’information dans le cerveau se fait plus lentement, mais se fait bien.

Prise en charge médicamenteuse

Des neuroleptiques permettent de diminuer les troubles moteurs (*une étude est en cours en France concernant 3 neuroleptiques Xénazine, Olanzapine, Tiapridal).

 

Des patchs de scopolamine réduisent l’hypersialorhée (salivation excessive).

 

Quant aux troubles comportementaux, plusieurs traitements médicamenteux non spécifiques peuvent être utilisés : schématiquement, antidépresseurs sérotoninergiques pour la dépression, benzodiazépines pour l’anxiété, neuroleptiques pour les manifestations psychotiques… Leurs résultats sont très variables d’un patient à l’autre.

 

Il n’existe rien actuellement contre les troubles cognitifs.

Perspectives : essais thérapeutiques

Le professeur Krystkowiak ajoute "Pour une bonne efficacité, le travail doit être multidisciplinaire, vers une stabilisation de la maladie : il faut se mettre tous ensemble et ne pas se réfugier derrière les médicaments".

 

Le rôle du psychologue

Intervention de Madame Audrey Seling (psychologue, service de neurologie, centre de compétence Huntington pour la Picardie)

 

Madame Seling présente successivement la prise en charge psychologique de trois personnes dans des situations différentes : celle d’un patient symptomatique, puis celle d’une personne qui attend l’annonce du diagnostic ; enfin, son rôle dans le dépistage présymptomatique pour lequel l’accompagnement par un psychologue est indispensable.

 

La prise en charge du patient Huntington s'effectue par une équipe pluridisciplinaire afin de maintenir la qualité de vie des personnes et des familles, de les accompagner tout au long de la maladie et de ralentir son évolution.

 

Cette prise en charge difficile nécessite un soutien psychologique au long court par un professionnel connaissant la pathologie pour une prise en charge adaptée. Le psychologue peut être amené à intervenir tout au long de la maladie, auprès du patient et des proches.

 

Les entretiens de soutien, à tous les stades de la maladie, permettent d’apporter un espace d’écoute et de parole, de possibilité d’expression des différents sentiments éprouvés ; de ne pas se sentir seul face à la maladie, de mieux appréhender la pathologie et d’apprendre à vivre au mieux avec elle, de travailler sur le sentiment de culpabilité, de prévenir le risque suicidaire, de mettre en avant les différentes ressources à la fois personnelle, familiale, associative… mobilisables, de valoriser le "prendre soin de soi" et de soutenir les projets.

 

Le soutien auprès des soignants a aussi une grande importance : il permet de prévenir l’épuisement, de limiter le sentiment d’incapacité et d’aborder les spécificités de cette pathologie ainsi que sa prise en charge.

 

Génétique de la maladie de Huntington

Intervention de Madame Florence Amnam (conseillère en génétique, centre de compétences Huntington pour la Picardie)

 

La maladie de Huntington est une maladie génétique, à transmission autosomique dominante : cela signifie que si l’un des deux parents a le gène muté, un enfant (garçon ou fille) a une probabilité sur deux d’être porteur de ce gène muté. 


Le gène portant la mutation a été identifié en 1993. Depuis cette date, un test permet de savoir si une personne possède le gène muté ou non. 


Ce gène code pour la protéine huntingtine. Il possède une répétition de triplets de nucléotides CAG qui est considérée comme normale jusqu’à une longueur de 35 unités et, s’il en comporte plus de 40, la formé altérée de la protéine huntingtine causera l’apparition de la maladie au cours de la vie humaine. L’âge de début de la maladie dépend du nombre de répétitions CAG sur le gène muté.


Un diagnostic présymptomatique peut-être réalisé au CHU d’Amiens depuis 2012. Après une consultation préalable, une décision multidisciplinaire permet ou non au patient d’accéder au test. Une lettre d’information lui est alors envoyée. Le résultat du test lui est rendu par le neurologue ou le généticien.

 

Le diagnostic prénatal est réalisé sur un prélèvement : soit un prélèvement précoce avec ponction des viscosités choriales (placenta), par amniocentèse ou par cordocentèse (22 semaines).

 

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) peut conduire à une fécondation in vitro (FIV) qui a de 25 à 35% de réussite.

 

Il y a en France 4 sites habilités à réaliser ces fécondations : Amiens, Strasbourg, Montpellier et .

 

Le rôle du réseau européen EHDN pour la maladie de Huntington

Intervention de Monsieur Laurent Paterski (EHDN)

 

Le réseau EHDN (pour European Huntington Disease Network) propose dans toute l’Europe une plateforme dont les objectifs sont d’une part, de :

  • mieux connaître la maladie de Huntington,
  • améliorer sa prise en charge,
  • sensibiliser et former les professionnels et les familles.

D'autre part, le réseau EHDN vise à :

  • accélérer la recherche,
  • développer les études et les essais cliniques sur la maladie de Huntington,
  • développer la collaboration entre les chercheurs et les médecins,
  • optimiser toutes les ressources possibles pour trouver des thérapies efficaces.

Ce réseau comporte un grand nombre de membres aux profils très variés, des centres investigateurs, des groupes de travail, un comité scientifique et bioéthique, un comité exécutif, des coordinations locales et la coordination centrale de 18 pays européens.

 

Il comporte une infrastructure pour les études et essais cliniques à grande échelle, une plateforme informatisée sécurisée, un forum pour la coopération des chercheurs et des médecins, une assistance pour les centres investigateurs dans leur propre langue, une collaboration avec les associations et les institutions.

 

EHDN est sponsorisé par la fondation privée américaine High-Q qui a pour but d’accélérer la recherche sur la maladie de Huntington. Un projet CHDI (Cure Huntington Disease Initiative), financé par High-Q a donné naissance en 2008 à la fondation CHDI, qui favorise les avancées grâce à des dons et à des collaborations entre chercheurs et industries pharmaceutiques.

 

Afin de pouvoir améliorer la connaissance de la maladie de Huntington le plus rapidement possible, on doit avoir un large panel de renseignements sur un grand nombre de personnes atteintes, nombre suffisant pour que les traitements statistiques soient signifiants et utilisables. L’EHDN a mis au point un protocole pour créer la base de données européenne : REGISTRY.

 

Les participants à REGISTRY sont recrutés par le centre investigateur local d’EHDN, dans les centres de compétences/référence, d’Amiens ou de Lille par exemple et y font des visites annuelles.

 

Pour chaque participant, on recueille des données sur les signes cliniques de la maladie de Huntington, sur l’histoire familiale, ainsi que des questionnaires d’auto-évaluation. Des échantillons de sang et d’urine sont prélevés et conservés pour constituer une base de données biologique. Les données sont rendues anonymes pour respecter les règles de confidentialité médicale et de protection des données. 

 

En France, 1042 patients + 69 contrôles , dans 10 centres, participent à REGISTRY, dont 216 sur les centres de compétences Amiens et Lille (2013).

 

Pour élargir les études vers le monde entier, le projet ENROLL-HD combinera REGISTRY (Europe) et COHORT (USA) à des études similaires en Australie, Amérique

latine, Corée du Sud, Afrique du Sud, Singapour, etc (2014).

 

ENROLL-HD va rendre disponible un large ensemble de données issues d’un plus grand nombre de participants à la recherche et par conséquence va augmenter la puissance de l’exploitation des données et des projets bio-informatiques. Servant en tant que plateforme pour faciliter les sous-études, il doit favoriser le développement et la validation d’outils d’évaluation, et accélérer le recrutement dans les essais cliniques mondiaux des candidats médicaments des années à venir. 

 

Peuvent y participer des personnes possédant ou non le gène muté, présymptoma-tiques, symptomatiques ou contrôles.

 

Le centre de compétences d’Amiens a pour spécificités :

  • Une équipe multi-disciplinaire de neuro-génétique avec mise en place du DPS (diagnostic présymptomatique), infirmière dédiée, psychologues, ARC, etc.
  • Une équipe de neurologie et de neuro-psychologie formée spécifiquement à la maladie
  • Une équipe de neuro/neuro-chirurgie impliquée dans les projets Huntington innovants, comme le DBS (stimulation cérébrale profonde) 
  • IRM de pointe compatible avec les essais cliniques spécifiques.

La recherche sur la maladie de Huntington

Protocoles non thérapeutiques à Amiens-Lille

  • REGISTRY > ENROLL-HD
  • Amiens-Lille/RHLF : Étude sur l’influence de la caféine sur l’âge de départ de la maladie.

Nouvelle étude prospective chez les sujets présymptomatiques :

  • Amiens-Lille : Étude du trouble du contrôle des impulsions dans la maladie de Huntington.

Protocoles thérapeutiques

  • Angers : Cystéamine, essai français multicentrique en double aveugle versus placebo. *Les dernières analyses de l’étude CYST-HD (effets sur l’échelle UHDRS moteur) sont encourageants (Pr Verny, 2014).
  • RHLF : Neuro-HD Comparaison de l’effet du zyprexa, de la xénazine et du tiapridal
  • Dans 3 centres français dans quelques mois : Pridopidine (TEVA/EHDN) : phase 2. *La participation d’Amiens est confirmée et le recrutement commencé (Pride-HD).
  • DBS (Deep Brain Stimulation) : projet multicentrique européen (7 centres). *Amiens sera le seul centre français.